Phil La Marmotte
B/
L’éducateur au carrefour des demandes :
L’éducateur
dans les foyers d’accueil d’urgence se
caractérise à mon sens, par sa possibilité de partager des périodes de vie
avec des enfants afin de les accompagner et les aider à se situer par rapport
à eux-mêmes.
La
fonction symbolique que nous avons (éducateur), est de maintenir l’autre (l’enfant) dans un rapport
d’identification à l’adulte pour une construction possible et continuelle
lors d’une séparation familiale.
Notre
rôle est celui de « contenant » comme le fait symboliquement
la mère avec son enfant.
Nous
allons recevoir de l’enfant, ses pleurs, sa joie, son angoisse, sa rage,… et
nous devons tout engloutir cet ensemble qui n’a pas de sens et le transformer
pour le verbaliser.
Finalement sans laisser de côté les éventuelles qualités de cœur, nous sommes « des praticiens de la relation »
L’éducateur
est au centre des relations. Nous sommes entre l’enfant et son environnement
social (entre : partenaires sociaux, la famille de l’enfant, l’enfant).
L’éducateur
référent d’un enfant, se voit centraliser toutes les informations et doit
les interpréter objectivement en les rendant le plus compréhensible possible.
Finalement,
l’éducateur se trouve au carrefour des différentes demandes et attentes :
-
de l’enfant
-
celle de l’institution
-
celle des parents
-
celle de la société
-
et, de façon plus ou moins cachée, la nôtre.
A partir de là nous pouvons nous poser la question de la
place et des limites de notre intervention.
Nous avons un rôle éducatif important dans
l’accompagnement qui est le nôtre dans le quotidien. De par ce simple fait
nous avons symboliquement le rôle de substitut parental ; les enfants
voient donc en nous l’image parentale, mais bien évidemment nous ne pouvons
nous substituer aux parents réels.
D’ailleurs, les parents resteront à jamais les parents.
Quoi qu’il arrive, ce sont eux qui donnent le nom et qui inscrivent leur
enfant dans une histoire et dans une filiation généalogique.
Pour que se construise l’enfant, il faut d’ailleurs
que celui-ci puisse avoir accès à son histoire et à ses origines pour qu’il
trouve un certain équilibre (la base sur laquelle il pourra se construire).
Nous nous devons d’être vigilants aux conséquences et
phénomènes de rejet qu’entraînent des placements en urgence et dont sont
parfois victimes enfants et parents.
C’est pourquoi notre travail de médiation doit faire en
sorte de maintenir des liens entre tous ceux qui vivent cette séparation.
Dans la grande majorité des cas, les
parents et les enfants vivent le placement comme un échec et n’étant
pas obligés de venir fréquenter leurs enfants, peuvent espacer les visites.
On a vu combien après un placement (pour M.) la famille
pouvait rapidement devenir abandonnique.
Le projet de notre établissement ne prévoit pas non plus
un lieu d’écoute pour les parents. Nous sommes bien souvent amenés lorsque
des parents se confient trop a-nous, à les diriger vers les travailleurs
sociaux de l’ASE directement mandatés par le juge pour faire un suivi à long
terme de la famille et aussi permettre ce travail d’écoute des parents.
Au foyer où je suis actuellement, les éducateurs référents
remplissent tout à fait ce rôle d’interlocuteur privilégié ;
d’ailleurs les parents savent parfaitement à qui s’adresser s’ils ont
besoin d’informations.
Je crois qu’il est nécessaire d’être attentif à ce
qui se joue dans la relation et faire savoir aux parents où est leur place et
leur faire savoir aussi qu’ils ne sont en aucun cas jugés.
Les accueils de parents doivent être chaleureux. Nous
devons aussi prendre en compte leurs difficultés
à venir dans ce lieu qui symboliquement est un lieu de rupture avec leurs
enfants.
Je pense qu’il faut essayer de comprendre le ressenti
des parents pour les aider au mieux à faire face à la situation en maintenant
les liens avec les enfants.
Bien souvent
les parents culpabilisent et ont honte de ce placement qu’ils n’ont bien
souvent pas voulu et ressentent que leur capacité d’autorité parentale est
mise en doute.
Parfois certains parents sont totalement soumis à nos décisions
et d’autres ont des comportements agressifs refusant de collaborer (surtout
pour les placements en urgence).
L’ASE a pour fonction aussi de restaurer cette perte de
l’enfant placé et donc restaurer la fonction parentale tout en protégeant
l’enfant.